Une équipe de la

Alors que le prix Nobel pour la découverte du virus de l’hépatite C vient d’être décerné….

Récompensés pour leur « contribution décisive » à « la découverte du virus de l’hépatite C », cette reconnaissance intervient à bien des décennies d’écart. Ceci est l’occasion de revenir sur les évènements marquants ayant suivi la découverte de ce virus.
Milieu des années 70, hépatite virale « non A non B », c’est le nom que porte cette affection du foie, un virus qui touche le foie, mais ni une hépatite A, ni une hépatite B, sans recours thérapeutique possible. Jusqu’en 1989, la recherche va notamment démontrer les liens entre l’incidence de l’infection chronique, la transfusion sanguine et la voie parentérale (voie injectable) pour enfin parvenir à identifier une partie du matériel génétique ainsi que les anticorps spécifiques produits par l’organisme.

Depuis les années 90 et jusqu’en 2014, le traitement de référence contre l’hépatite C repose sur l’association de deux molécules : l’interféron pégylé et la ribavirine. L’évaluation de l’atteinte du foie se fait jusqu’au milieu des années 2000 uniquement par l’utilisation de la biopsie hépatique, examen que beaucoup de personnes redoutent, freinant leur accès aux soins. A cette époque, ces traitements, souvent longs(24 à 48 voire 72 semaines de traitement) ont de lourds effets secondaires avec un fort impact sur la vie sociale et intime des personnes affectées (« Pour faire très court, cela va du gros rhume aux envies de suicide (si, si, c’est vrai !), en passant par de multiples affections du système respiratoire, gastro-intestinal, nerveux, des allergies cutanées, des pertes de poids, de cheveux, d’attention, de mémoire, du désir sexuel et surtout, la dépression et une grande irritabilité…»1) et les probabilités de succès sont variables, permettant d’atteindre la guérison chez près de 40 à 50% des personnes traitées 2.

L’année 2014 voit arriver les premières autorisations d’utilisation des traitements antiviraux directs chez des patients en situation critiques, autorisations d’utilisations qui vont progressivement s’ouvrir dans les années suivantes et permettent un taux actuel de guérison de l’hépatite C, attendu quel que soit le statut du patient, d’au moins 95 %. Parallèlement, les biopsies du foie sont progressivement remplacées pour la plupart des patients par des tests biologiques, permettant le calcul de score d’atteinte du foie associé à la réalisation de la mesure de l’élasticité hépatique.
Le renforcement de l’accès au dépistage grâce aux TROD VHC (arrêté encadrant la pratique du TROD VHC) et l’accès universel au traitement depuis 2017 pour tout·e patient·e infecté·e contribuent à atteindre les personnes les plus éloignées du soin. Souvent exclues des protocoles de traitements du fait de leur(s) consommation(s) passée(s) ou actuelle(s) et/ou du fait de leurs précaires conditions de vie, l’accès universel au traitement, rétablit théoriquement la justice médicale.

En mars 2018, nouvelle avancée en la matière, le traitement sort de l’hôpital et peut être délivrée en officine de ville. En mai 2019, l’autorisation de prescription des traitements Antiviraux d’Action Directe (AAD) à l’ensemble des médecins. Une nouvelle accueillie avec enthousiasme, l’arsenal de la lutte contre l’hépatite C et son éradication en France (objectif 2025) semblent complets et parfaitement cohérents. Il n’en demeure pas moins que sur le terrain ce sont toujours les mêmes spécialistes qui prennent en charge et accompagnent ces personnes : les supposé·e·s, les avéré·e·s et les ancien·ne·s, consommateur·rice·s de produits psychoactifs, les précaires, les personnes en situation de migration ; bref, les exclu·e·s.

Sans intensification d’une politique de prévention efficace, tout particulièrement dans le champ de la réduction des risques, quel que soit le milieu où a lieu la prise de risque (squat, milieu carcéral…etc), cet objectif ne pourra être atteint par la seule utilisation de tests de dépistage et de traitements antiviraux.
De nombreuses personnes professionnel·le·s et bénévoles s’engagent et se saisissent de cet enjeu de santé publique partout en France, cependant, compte tenu des objectifs à atteindre il parait nécessaire de poursuivre et de renforcer la mobilisation de toutes et tous (médicosocial, sanitaire, social, libéraux, hospitaliers, tutelles et politiques…). Sans pour autant minimiser l’impact symbolique d’un tel prix (Le prix Nobel de Médecine quand même) et sa résonance dans l’espace public et médiatique, cet honneur ne peut se limiter à cela : le symbolique.

Il est important de rappeler que nous évoluons dans un environnement contradictoire : la France s’est engagée à éradiquer le virus de l’hépatite C à l’horizon 2025, rejoignant une dynamique internationale autour de l’OMS. En dépit des efforts fournis et des évolutions possibles dans le dépistage, la prise en charge, le traitement et la prévention de l’hépatite C; la santé hépatique n’a toujours pas de place en cabinet de médecine générale à l’inverse de la santé cardiaque ou vasculaire ; on entend encore trop de médecins généralistes affirmer que leur patientèle n’est pas « concernée par le virus », le décloisonnement entre les monde de l’addictologie et celui de l’hépatologie n’est pas encore acquis et la HAS ne recommande toujours pas le dépistage universel de l’hépatite C, campant sur une posture de dépistage seulement sur facteurs de risques.

Ne manquons pas d’ambition ! en si peu de temps, tant d’avancées en matières thérapeutiques et dans l’accès au traitement contre un virus inconnu il y a moins de 50 ans !

Si vous êtes un·e professionnel·le de santé ou du secteur médico-social et vous avez envie de parier sur un cabinet ou un établissement « sans hépatite C » contactez-nous pour avoir le soutien d’une équipe dynamique et engagée! (et même si vous êtes un·e bénévole en vrai ;))

*****

1: ASUD n°41 Automne 2009, « VHC le blues du traitement », extrait de la liste des effets secondaires indésirables pour la Ribavirine, Speedy Gonzalez, http://www.asud.org/asud journal/

2: Pour plus de détails et un regard grinçant sur ce parcours thérapeutique éprouvant, on vous invite à lire le roman biographique de Vincent Ravalec « hépatite C »